DMC et Thérèse de Dillmont :
Dès le 18ème siècle, les importants progrès techniques sur les machines à tisser, l’invention de la machine à vapeur et l'amélioration de la qualité des fils et des couleurs, font que des industries de tissage, utilisant la force hydraulique, se créent un peu partout en France employant de plus en plus d'ouvrières. L’industrie du textile générait beaucoup de métiers dont la majorité a disparu.
En 1746 est fondée à Mulhouse l’entreprise qui deviendra D.M.C. (DOLLFUS-MIEG & Compagnie) en 1800.
Les travaux d’aiguille, couture, broderie, mais aussi le tricot et le crochet, faisaient partie de l’apprentissage des jeunes femmes au 19ème siècle, et ce jusqu’au début des années 1960 pour les jeunes filles placées chez les religieuses par exemple.
Les jeunes filles apprenaient les lettres en même temps que la broderie en brodant des marquoirs.
Par la suite, elles pouvaient commencer à broder et chiffrer leur trousseau de mariage.
Partout en France, les familles cherchaient des compléments de revenus comme l’élevage de vers à soie dans les Cévennes ou des travaux d’aiguille pour les femmes lorsqu'elles manquaient d'ouvrage.
Deux exemples :
- Au 18ème siècle, les progrès considérables des métiers à tisser ont fait proliférer des ateliers de tissage mais pas seulement. Les familles pouvaient disposer d’un métier manuel chez elles et la production était relevée par des ateliers avec un paiement à la pièce. L’étude des actes d’état civil de certains villages permet de constater que selon la période de l’année, la profession déclarée est, journalier, métayer, cultivateur… en été et « tisserand, tisseur » en hiver. Les métiers à tisser à domicile existent encore en Ecosse par exemple.
- En 1853, Zélie Martin (la mère de Thérèse de Lisieux) ouvre un atelier de dentelle d’Alençon. Dans un souci de rentabilité, le travail est découpé et les tâches sont confiées à des femmes, à leur domicile, qui effectuent toujours seulement l'une des dix étapes nécessaires à la confection d’une pièce en dentelle d’Alençon, puis la pièce réalisée par la première était ainsi confiée à une autre femme qui poursuivait le travail, puis encore une autre… La commercialisation était effectuée par Louis Martin, l'époux de Zélie.
Les employeurs avaient toujours une bonne raison de faire baisser le prix, ce complément de revenus était indispensable (ce n'est qu'en 1915 qu'a été voté la première loi sur le salaire minimum dans l'industrie textile). La crise de la dentelle de la fin du 19ème siècle dûe à la concurrence de la dentelle mécanique, a été une catastrophe pour beaucoup de familles.
Encyclopédie des ouvrages des dames
Publié en 1866 par Thérèse de Dillmont
Thérèse Maria Josepha de Dillmont Wiener est née à Neustadt (Autriche) en 1846 et morte à Baden Baden (Allemagne) en 1890. Diplômée et membre de l'académie de broderie de l'impératrice Marie-Thérèse, elle crée une première boutique avec sa sœur à Vienne. Suite à sa rencontre en 1878 avec Jean Dollfus-Mieg qui a repris l’entreprise familiale D.M.C. en 1850, elle fonde à Mulhouse une école de broderie près des ateliers D.M.C. en 1884.
Dans ce contexte où il est nécessaire pour une femme de connaître les travaux d’aiguille, elle remarque qu’il n’existe pas d’ouvrage dédié regroupant l’ensemble de l’existant.
Quelques publications existaient :
- "l'art du brodeur" de Saint Aubin paru en 1770 ;
- les premières revues destinées aux femmes permettant la diffusion importante de diagrammes : "Le Petit Écho de la mode", « Lisette », "Mon Ouvrage Madame"(des expositions annuelles à Châtelaudren dans les bâtiments de l'imprimeur du "Petit Écho de la mode").
Elle publie alors « l'Encyclopédie des ouvrages des dames » en 1886. Cet ouvrage est le fruit des connaissances et du travail de collectage de Thérèse de Dillmont. L'imprimeur est "Imprimerie de la société anonyme d'industrie textile ci-devant DOLLFUG-MIEG & Cie (D.M.C.). D.M.C. a ajouté son catalogue de produits dans l'ouvrage.
L’ouvrage de 1886 vendu par « Le Bon Marché » ayant appartenu à Mary Kieffer et sa réédition de DMC de 1993.
L’ouvrage initial a le format d'une bible 14 cm x 9 cm. Fort heureusement, les éditions récentes sont plus lisibles.
Dans sa préface elle écrit :
« Jusqu’à ce jour il n’existait aucune publication contenant un recueil complet des ouvrages connus sous le nom de travaux à l’aiguille ou d’ouvrages de dames.
Désireuse de combler cette lacune, je me suis décidée à publier dans la présente Encyclopédie le résumé de connaissances acquises par une pratique constante, et j’ai la satisfaction de pouvoir ainsi offrir aux dames et aux jeunes filles qui ont du goût pour ce genre de travaux, le moyen de s’instruire par elles-mêmes dans tout ce qui y a trait. »
Un peu plus loin :
« Quelles que soient du reste les conditions de fortune dans lesquelles on se trouve placé, il sera toujours utile de savoir bien coudre, car, si d’une part la connaissance de la couture permet d’apprécier la valeur d’un ouvrage exécuté par des mains étrangères, d’autre part on sera à même de produire un travail solide et durable lorsqu’on se trouvera dans la nécessité de l’exécuter soi-même. »
Et un peu plus loin encore, un clin d’œil à notre visite de la Manufacture Bohin :
«Il est bon de mettre dans les paquets d’aiguilles un peu d’amiante en poudre, afin de les préserver de la rouille. Il sera également bon d’en conserver dans une petite boite dans laquelle les personnes qui oxydent les aiguilles en les touchant pourront, de temps en temps, tremper leurs doigts. On pourra se confectionner aussi une petite pelote, qu’on remplira d’émeri fin et qui servira à rendre le poli aux aiguilles rouillées. »
Pour nous qui nous intéressons à la confection des coiffes et costumes en souhaitant respecter le plus possible la façon de faire d’une époque donnée, cet ouvrage semble indispensable. Ses 640 pages aident à reproduire la broderie des boutonnières ou des boutons, la façon de renforcer la fente de l’ouverture d’une jupe, le stoppage/raccommodage d’un tissu ancien élimé en fonction du tissu, les points de tricot, le lavage, l’empois, le filet, le macramé, le tulle, et tellement encore.
Le contrat de Thérèse de Dillmont avec D.M.C. l’a contrainte à ne pas se marier pour préserver le nom de Dillmont. Elle a dû dénoncer ce contrat afin d’épouser Joseph Friedrich Scheuermann en 1889. Malheureusement elle décèdera quelques mois après.
Thérèse de Dillmont a aussi publié : Album de broderies au point de croix, La broderie sur lacis, Alphabets et Monogrammes, Le macramé, Le filet Richelieu, La broderie au passé et La soutache et son emploi.
Patricia Houdu,
Secrétaire de Kendalc'h Ile-de-France
Commentaires
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- 1. Francine Freppel Le 21/08/2024
Bonjour, j'ai une encyclopédie ouvrages des dames de Thérèse de Dillmont, format petite bible dans un écrin en carton, édité en Allemand, il a l'air très ancien
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